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La bataille de Chesapeake

Dernière mise à jour : 22 avr.

Par Paul Frisch


Le contexte 


Les conséquences de la Guerre de Sept ans


Quand s’achève en 1763 la guerre de Sept ans, le Royaume de France est affaibli, atteint dans son égo par une Angleterre qui s’affirme comme une grande puissance mondialisée aux dépens de son plus grand ennemi, duquel elle récupère les territoires de la Nouvelle-France, joyau prometteur de la couronne. Le premier Empire colonial Français se limite dès lors à quelques comptoirs dans l’Océan Indien et en Afrique, ainsi que quelques territoires dans les Antilles.


Durant les années qui suivent la paix de Paris, l’Angleterre jouit de sa victoire, et choisit de taxer ses colonies pour les faire contribuer à rembourser la dette conséquente contractée pendant la guerre. Ces taxes sont créées en série entre 1764 (et son Sugar Act sur le sucre importé), et 1773 (sur le Tea Act), qui mène à la Boston Tea Party, révolte aux aspirations politiques : les habitants des treize colonies refusent de payer selon le principe que quelque territoires non représentés à Westminster peuvent être taxés. Le thé est alors balancé par dessus bord (ce qui peut être perçu comme un sacrilège les Anglais). Le Roi George III émet par conséquent des mesures répressives contre le port de Boston, ce qui renforce les liens entre les colonies. Un point de non-retour est atteint, la guerre se profile.


Durant cette période, la France décide de se réarmer de manière conséquente, à la fin du règne de Louis XV, puis dès l’avènement de Louis XVI qui soutient la reconstruction d’une marine forte et moderne. Des navires sont construits, les systèmes de communications sont changés et simplifiés, les marins sont recrutés en masse et des entraînements grandeur nature permettent de préparer les officiers et les soldats à diverses éventualités, notamment sur un point très précis, celui du maintien de la ligne, primordial pour mener un combat efficace à cette époque. 


La guerre et la déclaration d’indépendance américaine


Les hostilités débutent le 19 avril 1775 lorsque des troupes de l’armée britannique affrontent

des miliciens indépendantistes dans plusieurs villes comme à Lexington et Concord. Dans les mois qui suivent, la rébellion s’intensifie. Un certain George Washington est nommé commandant en chef de l’armée continentale en juillet.


Le 4 juillet 1776, la déclaration d’indépendance des « Etats-Unis d’Amérique » rédigée par Thomas Jefferson est adoptée.



La Bataille de Saratoga, remportée par l’armée américaine en 1777, convainc la France de fournir du matériel aux américains car, dans le même temps, de hauts personnages comme le Marquis de La Fayette, l’un des personnages les plus riches du Royaume, décident de s’engager pour la cause de la liberté, et servent d’intermédiaire entre les Etats-Unis d’Amérique et la Monarchie Française. Le marquis, nommé major-général, verse son sang dès la bataille de Brandywine le 11 septembre 1777 où il est blessé, ce qui renforce ses liens avec le pouvoir et notamment avec George Washington, qui devient un ami.


A partir de 1778, la France, engagée par un traité d’alliance, fournit armes et munitions aux insurgés. La Fayette est envoyé en mission diplomatique en France dès 1779 pour pousser le Roi à renforcer le soutien militaire. Il plaide pour une intervention plus directe de la couronne, puis retourne avec le mythique bateau l’Hermione sur le sol américain dès avril 1780.


Dans le même temps, la Marine Royale, dès 1778 prend une importance évidente dans le conflit. Elle achemine non seulement du matériel nécessaire aux insurgés, mais elle instaure

une pression permanente sur la Royal Navy qui ne peut dès lors pas se concentrer pleinement sur la zone nord-américaine. La Bataille d'Ouessant (27 juillet 1778), première grande bataille du conflit, fait directement peser la menace d’une invasion des îles britanniques, poussant la Royal Navy à diviser ses forces. Ce qui n’était qu’une simple rébellion dans un premier temps se transforme en grande menace pour la monarchie anglaise, son commerce, son influence et sa souveraineté même.

 

Le renforcement du rôle de la France


En juillet 1779, le vice-amiral d’Estaing bat la flotte britannique aux Antilles. La présence française s’intensifie.


En juillet 1880, le comte de Rochambeau débarque à Newport avec 6 000 hommes, renforçant le soutien terrestre. Il coordonne ses actions avec George Washington. Les Anglais perdent du terrain. Toutefois, pour mener à bien les opérations de ravitaillement en hommes et en matériel dans des conditions idéales, il faut maîtriser un port profond, capable d’accueillir d’imposants navires. L’idée d’une intervention près de la baie de Chesapeake, qui correspond parfaitement aux critères, émerge alors dans les esprits français. C’est alors que l’Amiral de Grasse, concomitamment avec les troupes de George Washington, décide de mener une opération d' envergure pour prendre le contrôle des mers, mais aussi des terres de cette baie, et d’en évincer les Anglais. De Grasse y parvient le 29 août.


La baie est dégagée, les Anglais n’y sont pas. Il profite de la situation pour débarquer du matériel. Dans le même temps, l’escadre du contre-amiral Barras s’enfuit du port de Newport où il était jusque-là enfermé afin de rejoindre de Grasse à Chesapeake.


Toutefois, le 5 septembre au matin, les Français voient s’approcher, à l’horizon, des navires anglais. La flotte française est au mouillage, 2 000 de ses marins soutiennent le siège de Yorktown. Les navires ennemis se rapprochant, De Grasse ne tarde pas à ordonner l’appareillage, sans la totalité de ses marins. C’est le début de la grande journée de la bataille de Chesapeake dont l’issue pourrait bien déterminer la suite de la guerre. 


La Bataille


À l’aube du 5 septembre, un ballet de voiles surgit donc à l’horizon : la flotte anglaise approche. Le vent lui est favorable, tandis que les Français se trouvent dans une situation délicate. Mais de Grasse ne se laisse pas surprendre. En dépit de l’absence de 2 000 marins

partis ravitailler la flotte, il réorganise rapidement ses effectifs, privilégiant la puissance de feu. Ce sont vingt-quatre vaisseaux de ligne, totalisant dix-sept cent quatre-vingt-quatorze canons qui prennent la mer pour s’engager dans une bataille navale aux enjeux décisifs pour le futur des Etats-Unis. De manière innovante, de Grasse donne l’ordre d’appareiller par ordre de vitesse tout en conservant ses chefs à l’avant et à l’arrière afin d’assurer la bonne communication des ordres


Les amiraux anglais, surpris par cette réactivité, peinent à s’accorder. Graves ordonne de virer vers l’Est, et après plusieurs heures de positionnement et d' assauts sporadiques, les flottes ennemies sont en formation parallèles, cap à l’Est. Au Nord les Anglais, au Sud les Français. Cependant, la communication entre Graves et Hood est difficile, attendu qu’ils possèdent des systèmes de transmission d’ordres différents, entraînant alors un manque cruel de coordination. En conséquence, l’avant-garde britannique engage le combat tandis que l’arrière-garde tarde à intervenir. 



Au contraire, De Grasse fait preuve d’une maîtrise remarquable anticipant les évolutions du

vent et en adaptant la formation de ses navires pour profiter de la désorganisation adverse. A partir de quatre heures de l’après-midi et pendant plus de deux heures, la canonnade fait rage. A ce moment, la proximité des vaisseaux ennemis favorise la violence des affrontements à suivre. Les Français, avec une cadence infernale d’un tir toutes les quinze secondes, infligent de lourds dégâts en ciblant principalement les voiles et le gréement britanniques. L’ensemble des capacités de tir sont mobilisés, entraînant une concentration du feu intense et des dégâts terribles aussi bien sur les voiles que sur les corps.


Le journal du capitaine Shrewsbury retrace le récit des combats du côté britannique :

« À 4h10, on se bat à portée de mousquet. À 4h25, à portée de pistolet. À 4h45, le faux-foc descend suivi peu après des vergues de grand hunier et de perroquet de fougue. À 4h08, le capitaine est blessé une première fois. À 5h, les bas mâts sont qualifiés de très avariés. À 5h10, le capitaine Robinson perd sa jambe gauche. À 5h15, plus moyen d’orienter une vergue et presque plus de haubans en place. »

Durant la bataille, cinq vaisseaux britanniques sont gravement touchés, contre un seul du côté français. À 19 heures, Graves, incapable de maintenir la ligne, rompt le combat.


Les Britanniques, amputés d’environ 300 hommes, battent en retraite avec une avant-garde sévèrement endommagée. Ayant pris le large, ils sabordent le vaisseau « Le Terrible » avant de regagner New York. De Grasse ne les poursuit pas et préfère rebrousser chemin afin de verrouiller la baie de Chesapeake et de soutenir le siège de Yorktown.


Le 11 septembre, la flotte de Barras et celle de de Grasse se rejoignent, fermant toute échappatoire maritime aux Britanniques. Washington et Rochambeau, quant à eux, achèvent l’encerclement terrestre avec 17 000 hommes. 


Acculé, Cornwallis capitule le 17 octobre 1781. 


Les conséquences


La défaite affaiblit considérablement la présence Anglaise aux Etats-Unis. L’armée britannique est battue, sa marine n’est plus maîtresse des mers, et le pouvoir politique entre

dans une crise qui mène à la démission du gouvernement en 1782. Le nouveau gouvernement dirigé par Lord Rockingham se proclame favorable à la paix avec les insurgés, menant au traité de Paris de 1783 qui reconnaît l’indépendance des Etats-Unis d’Amérique. Dès lors, la France redevient l’arbitre du monde et se venge de la désillusion de la Guerre de Sept Ans.


Mais bientôt les coûts de la guerre obligent le Roi de France à engager de conséquentes réformes économiques qui affaiblissent l’autorité de la monarchie face à l'opposition de l’aristocratie. La Révolution française approche à grands pas, guidée par ce « vent de liberté» venu d’Amérique.


Pour aller plus loin :





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