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Le Concordat de 1801

Dernière mise à jour : 10 mars

Par Roméo Khazem - Colonna et Paul Frisch


Le Contexte


La Révolution française est souvent glorifiée pour ses idéaux de liberté. Cependant, elle porte également un passé sombre : la persécution de l’Église catholique.


En 1789, les biens du clergé sont nationalisés. Le clergé perd ainsi ses privilèges d’Ancien Régime. Pour conformer l’Église aux nouvelles institutions révolutionnaires, la Constitution civile du clergé est adoptée par l’Assemblée nationale. Ce texte abroge le Concordat de Bologne, signé le 18 août 1516, qui donnait au Roi de France un pouvoir sur l’Église dans son royaume. La nation s’engage à assurer le financement de la religion catholique et du traitement des membres de l’Église, à condition qu’ils prêtent serment envers l’État. Ce serment impliquait d’être « fidèle à la nation, à la loi et au Roi, et maintenir de tout son pouvoir la Constitution ». Ce texte provoqua une scission entre une Église « constitutionnelle » des prêtres jureurs et une Église « réfractaire » au serment.


Un an plus tard, le pape Pie VI invite les prêtres à ne pas prêter ce serment. Rome ne reconnaît plus que les évêques légitimes, les réfractaires, qui sont de plus en plus illégitimes en France. Un premier décret, le 29 novembre, les menace de bannissement. Le 27 mai 1792, un deuxième décret permet de les interner ou de les déporter. Le 26 août de la même année, un troisième leur donne quinze jours pour quitter le pays.


La République, proclamée en septembre 1792, marque un tournant majeur. De 1793 à 1794, la Terreur constitue l’apogée de la répression des religieux par les républicains. Les prêtres réfractaires sont privés de leurs fonctions, chassés de leurs paroisses, dénoncés par leurs propres fidèles, arrêtés et, dans la plupart des cas, massacrés. Dans l’ouest de la France, plus particulièrement en Vendée et en Bretagne, des contre-révolutions de paysans catholiques s'organisent autour d’anciens généraux du Roi et nobles vendéens ou chouans. Les populations de ces provinces sont violemment réprimées par l’armée révolutionnaire, qui massacre femmes, enfants et vieillards. Durant la Terreur, plus de mille prêtres et deux cents religieuses sont fusillés et guillotinés. Parmi eux, l’archevêque d’Arles, Jean-Marie du Lau, prononce ces mots avant de mourir : « Que mon sang serve à racheter les fautes de cette nation égarée ». Dans cette logique d'éradication du catholicisme, Robespierre lance, le 8 juin, la fête de l’Être suprême, qui célèbre Dieu remplacé par l’homme, s’inspirant d’anciens rituels païens et met en avant les idéaux de la raison, la vertu et le devoir civique.


Le 27 juillet 1794, les Thermidoriens font tomber Robespierre et prennent le pouvoir. Ce nouveau pouvoir proclame la liberté des cultes mais décide de supprimer le budget du culte. Un décret du 3 ventôse an III (26 février 1795) instaure une première séparation entre l’Église et l’État en affirmant que la République ne salarie ni ne reconnaît aucun culte.



Le Concordat : réconciliation et négociations


Le Général Bonaparte réussit son coup d’État le 18 brumaire de l’an VIII, soit le 9 novembre 1799. La France est déchirée par la Révolution qui dure depuis dix ans. La réconciliation nationale devient un défi majeur pour Bonaparte, devenu Premier consul de la République. La question de l’Église catholique se pose rapidement pour le nouveau régime.


Dans ce contexte, Pie VII est élu en mars 1800. Le nouveau pape veut rétablir l’unité de l’Église, fragilisée par les guerres révolutionnaires. Après la victoire de Marengo, Napoléon rencontre le 25 juin 1800 le cardinal Martiniana pour lui demander de faire part au pape du désir Français de régler diplomatiquement les problèmes d’organisation du catholicisme en France. Le pape répond : « Vous pouvez répondre au Premier consul que nous nous prêterons volontiers à une négociation qui a un objet si important ». C’est l’acte de naissance du Concordat.



Concordat de 1801 Signature du Concordat entre la France et le Saint Siege, par le Pape Pius VII 1742-1823 - artiste inconnu
Concordat de 1801 Signature du Concordat entre la France et le Saint Siege, par le Pape Pius VII 1742-1823 - artiste inconnu

En novembre 1800, Monseigneur Joseph Spina, archevêque de Corinthe, et le Père Charles Caselli arrivent à Paris pour entamer des négociations avec l’abbé Étienne Bernier, choisi par le Premier consul. Ils élaborent, entre novembre 1800 et juillet 1801, 21 projets. La question des biens d’Église nationalisés est rapidement tranchée : Rome renonce à la reprise en échange de la mise à disposition des biens non aliénés et d’un traitement pour les évêques et curés.


Fin janvier 1801, les négociations bloquent sur la question du statut du catholicisme et celle de la reconstitution de l’épiscopat. Faut-il restaurer la religion catholique et la faire déclarer dominante ou simplement la tolérer, à l’égal de toutes les autres croyances ?


Consalvi ne veut même pas envisager cette dernière option. Au bout du compte, une synthèse des deux hypothèses émerge : « Je veux croire à une troisième hypothèse, à savoir que la religion catholique sera une religion privilégiée et mieux favorisée que les autres et qu'il y aura à traiter ».


Sous l’influence de son Ministre aux relations extérieures Talleyrand, Napoléon demande que le catholicisme ne soit pas reconnu comme religion d’État, mais comme « religion de la grande majorité des Français », ce que Monseigneur Consalvi accepte. Cette idée est présentée dans le préambule. Il accepte aussi la démission générale des évêques Français, même ceux qui sont restés fidèles à Rome.


Le 13 juillet, Bonaparte choisit son frère Joseph et le conseiller d’État Emmanuel Cretet pour signer le Concordat avec Bernier. L’annonce du traité est prévue pour le grand dîner du 14 juillet aux Tuileries. Cependant, le document présenté à la signature est différent de celui prévu. Dix-neuf heures durant, les signataires travaillent le texte. Un dernier obstacle reste à lever concernant le droit d’exercice public du culte.


La version finale énonce clairement que « la religion catholique, apostolique et romaine, sera librement pratiquée en France ; son culte sera public, sous réserve des règlements policiers que le Gouvernement jugera nécessaires pour maintenir la paix publique ». Consalvi veille à dissocier la liberté de la publicité, veillant ainsi à ce que les éventuelles restrictions imposées par le gouvernement concernent uniquement la dimension publique de la pratique religieuse.


Pour l'Église, la libre pratique de son culte implique la possibilité de s'organiser, de prêcher et d'enseigner sans entrave. En renonçant à son statut de religion d'État, l'Église espère ainsi conquérir une plus grande autonomie. La visibilité du culte signifie qu'il peut être exercé publiquement, y compris en extérieur, ce qui est conforme à la nature sociétale de la religion catholique.


De plus, l'article 1 abroge implicitement la loi du 7 vendémiaire an IV, qui prohibait toute forme de manifestation publique du culte. Bonaparte est d'accord pour permettre cette visibilité, mais avec certaines conditions. Consalvi propose : « Son culte sera public, mais devra, en raison des circonstances actuelles, se conformer aux règlements policiers jugés nécessaires pour garantir la sécurité publique ».


Bernier, dans une note datée du 11 juillet 1801, rassure Consalvi : « À travers cette clause, le gouvernement ne cherche ni à revendiquer un nouveau droit, ni à contraindre l'exercice extérieur de la religion qu'il soutient lui-même ; il souhaite simplement s'adapter aux circonstances en fonction des nécessités, sans s'engager indéfiniment au-delà de ce qu'il peut assumer ». Toutefois, cette formulation permet à l'État d'introduire ultérieurement des articles organiques, lui réservant le droit d'interdire certaines cérémonies publiques si celles-ci mettent en péril l'ordre public.


Après des négociations, les Français trouvent la formule acceptable : « Son culte sera public, en conformité avec le règlement de police que le gouvernement jugera nécessaire à la tranquillité publique » (art. 1). Le concordat est finalement signé le 26 messidor de l’an IX, soit le 15 juillet 1801.


Le pape Pie VII rend le document au cardinal Consalvi après l'avoir signé (15 août 1801)
Le pape Pie VII rend le document au cardinal Consalvi après l'avoir signé (15 août 1801)

 Reconnaissance de cultes minoritaires


Le Concordat est élargi aux cultes minoritaires par deux articles organiques de 1802 pour les cultes protestants et un décret de 1808 pour le judaïsme. Les articles organiques de 1802 étatisent les cultes réformé et luthérien en les rendant conformes en consistoires. Les pasteurs des 81 églises consistoriales sont donc salariés par l’État. Pour les juifs, c’est en 1807 qu’un Grand Sanhédrin est convoqué par Napoléon, afin de réunir des délégués pour faire entrer le droit juif dans le droit civil. En 1808, des décrets organisent les consistoires locaux, coordonnés par le Consistoire central israélite de France.



La séparation de l’Eglise et de l’Etat de 1905 et le cas de l’Alsace-Moselle


Une page de l’histoire se déchire en ce début du XXème siècle. La France, fille aînée de l’Eglise, divorce avec Dieu, devenant un pays laïque le 9 décembre 1905 après plusieurs années de débats sensibles et de tensions exacerbées. Toutefois, une exception demeure dans certains territoires d’Outre-mer, mais également en Alsace-Moselle.


En effet, entre 1871 et 1918-1919 (et plus officiellement le 10 janvier 1920), l’Alsace et la Moselle étaient des territoires allemands. De fait, le Deuxième Reich, lors de l’annexion, n’avait pas aboli les lois locales existantes. Lors du retour de  l’Alsace-Moselle comme territoires Français, d’âpres débats animent les républicains les plus laïcistes et ceux qui défendent les traditions locales de la région réintégrée. La décision est prise de maintenir le régime concordataire pour ne pas renforcer les tensions au sein de la population alsacienne et mosellane alors très attachées à ce régime religieux


Depuis lors, des avantages subsistent pour l’Eglise, toujours attachée à l’Etat, sur ce territoire. Les prêtres sont rémunérés par l’Etat, tout comme les ministres des trois autres cultes reconnus par le régime concordataire (hormis le catholicisme donc, le protestantisme luthérien, le protestantisme réformé ainsi que le judaïsme). Du CP au collège, les élèves reçoivent un enseignement religieux obligatoire d’une heure par semaine, bien qu’une dispense puisse être accordée. Ces cours sont assurés par des enseignants agréés par l’Eglise et rémunérés par l’Education nationale. Aussi, les églises (tout comme les temps et les synagogues) construites avant 1905 appartiennent aux communes, qui sont responsables de leur entretien et de leur rénovation, et l’Etat peut financer directement les cultes reconnus, ce qui n’est pas possible dans le reste du pays. 


Enfin, les évêques sont nommés par un accord entre l’Etat et le Vatican, contrairement au reste de la France où seul le Vatican joue ce rôle. Les responsables des cultes reconnus ont une relation officielle avec les pouvoirs publics (notamment via le ministre des cultes). 


Pour aller plus loin

Plus d'informations sur la séparation de l'Eglise et de l'Etat en France


Emission Europe 1 pour en savoir davantage sur l'histoire de La guerre de Vendée :


Vidéo sur la persécution du clergé sous la Révolution française


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