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La bataille de Bouvines

Dernière mise à jour : 10 mars

Par Paul Frisch, Jean Thomas et Roméo Khazem - Colonna


Contextualisation


En 1152, le mariage entre Aliénor d’Aquitaine et le Roi des Francs Louis VII est annulé. La même année, l’héritière du duché d’Aquitaine, l’un des plus puissants du royaume Franc, se marie à Henri II Plantagenêt, héritier de “l’empire Plantagenêt” et par conséquent ennemi du Roi Capétien en ce qu'il est non seulement comte d’Anjou et du Maine, duc de Normandie et d’Aquitaine mais aussi héritier au trône d'Angleterre. Il devient d'ailleurs Roi en 1152. Toutefois, Henri II demeure un vassal du Roi de France quoi qu'il soit en réalité bien plus puissant que lui.


Aliénor et Henri ont ensemble huit enfants. Deux de leurs fils sont particulièrement importants. Tout d’abord, Richard, héritier du trône suite au décès de son père en 1189. Militaire aguerri, roi-chevalier et très bon stratège militaire, il est le principal rival de Philippe II. Ainsi, Richard, dit Coeur de Lion, s’illustre notamment lors de la Troisième Croisade contrairement à Philippe qui, lui, tombe malade. Réussissant à prouver sa bravoure, la gloire lui tend la main.


Richard 1er, dit Coeur de Lion, Merry Joseph Blondel, 1841
Richard 1er, dit Coeur de Lion, Merry Joseph Blondel, 1841

Philippe II, afin de lui nuire, se sert par la suite de la rivalité de Richard avec son frère Jean. Celui-ci, éloigné dans un premier temps de l’ordre de succession, souhaite s’allier avec le Roi des Francs dans le but de récupérer les terres françaises de son frère. Finalement, ses soutiens sont rapidement battus par les fidèles de Richard en Angleterre, et Jean, rattrapé perd temporairement le peu de terres qu’il possédait, à l’exception de l’Irlande, ce qui lui vaut le très célèbre surnom de "Jean Sans Terres". Dès lors, il décide de demeurer loyal à son frère et ce jusqu’à sa mort.


Durant cette même période, Richard met tout en oeuvre afin de reconquérir certaines forteresses acquises par Philippe lorsqu’ils étaient encore en croisade. Entre 1194 et 1199, les deux rois sont quasiment constamment en conflit. Mais alors que Richard assiège le château de Châlus, en avril 1199 il est blessé par un carreau d’arbalète et meurt laissant ses terres aux mains de son frère.


Gisant de Richard Cœur de Lion à Fontevraud
Gisant de Richard Cœur de Lion à Fontevraud

La situation profite pleinement à Philippe II. Alors que Richard était un adversaire redoutable pour les Rois des Francs, celui-ci peut désormais réaliser son dessein : réunir la constellation de comtés et duchés sous une seule bannière : celui d’un Royaume de France. Jean, bien moins bon stratège que Richard, perd petit à petit toutes ses terres et Philippe les incorpore au domaine royal. Celui-ci connaît alors une expansion phénoménale. La Normandie, l’Anjou, le Maine, l’Auvergne ou encore le Poitou deviennent dépendants de la couronne capétienne. La succession dans le duché de Bretagne mène un Capétien sur son trône et Philippe hérite au même moment du Vermandois. Le territoire capétien double en quelques années. Le Royaume se centralise autour de la Couronne. Et seules la Guyenne et l’Angleterre restent opposées à son influence.


Dès lors, cette expansion fulgurante déplaît fortement aux puissances alentour. Se forme alors une alliance anglo-germanique. Les Plantagenêt souhaitent récupérer leurs terres, l’Empereur du Saint-Empire Romain Germanique, Otton IV vise, lui, à obtenir la Champagne et la Bourgogne. A cela s’ajoute la volonté du royaume de Flandres de se venger de Philippe II. Le comte souhaiterait y récupérer pleinement la souveraineté, et obtenir le Vermandois en cas de victoire. Enfin, le comte de Boulogne, qui aurait permis d’organiser la coalition, pourrait recevoir, en cas de défaite du Capétien, l’île de France et Paris. C’est en réalité une véritable guerre d’anéantissement contre les Capétiens que souhaite organiser la coalition. Philippe décide de faire appel à l’ost royal. Les vassaux sont mobilisés dans tout le royaume. L’oriflamme du Royaume, alors gardée à Saint-Denis, est brandie par le Roi. Ce symbole n’était utilisé que lorsque de grands dangers menaçaient le Royaume, et c’était le cas. L’une des campagnes les plus mythiques de l’Histoire de France s’apprêtait à avoir lieu.


La Bataille


L’année 1214 est celle d’une double offensive menée conjointement par le Roi d’Angleterre Jean sans Terre et l’empereur Otton de Brunswick. Le premier doit débarquer à la Rochelle avec pour objectif de conquérir l’Anjou tandis que le second doit pénétrer par le Nord jusqu’à Paris. Le Roi Philippe, toutefois, rassuré par la victoire de son fils Louis sur l’armée de Jean sans Terre près d’Angers le 2 juillet, décide qu’il serait plus prudent de se retirer dans son domaine et d’engager une retraite vers Paris. Informé de cette décision et enjoué par des envies guerrières, l'ost d’Otton décide de prendre en chasse les troupes françaises. L’Empereur est confiant. Il réunit une armée importante qui regroupe les princes de l'Empire et un petit contingent anglais, conduit par le demi-frère de Jean sans Terre, Guillaume Longue-Épée. Il bénéficie aussi de la rancœur de traîtres français que sont Renaud de Dammartin, comte de Boulogne ou encore Ferrand de Portugal. Leur confiance est orgueilleuse, les coalisés négocient déjà le partage des gains d’une future victoire envisagée. Pourtant, devant eux, leur proie, bien qu’en retraite, n’est pas fébrile. Philippe est bien entouré. Les meilleurs chevaliers du Royaume se trouvent à ses côtés. Messieurs Guillaume des Barres, Etienne de Longchamps, Barthélemy de Roye et d’autres braves guerriers sont noblement rangés derrière l’oriflamme. Les communes ont aussi fourni de nombreux hommes prêts à servir le Roi des francs.


Le dimanche 27 juillet, le Roi parvient à atteindre le pont de Bouvines avant que l’adversaire n’ait pu le rattraper. Cependant, l’affrontement semble inévitable. Pourtant, en ce jour du Seigneur, tout affrontement est défendu et les guerriers chrétiens n’ont pour habitude de briser cet interdit. A leur arrière, les renégats n’ont cure de ces considérations dont ils renient les fondements. Leur voracité précipite la rencontre des deux armées.



Bataille de Bouvines, 27 juillet 1214, Horace Vernet, huile sur toile, 1827
Bataille de Bouvines, 27 juillet 1214, Horace Vernet, huile sur toile, 1827

Il est midi et bientôt la collation lance un assaut. Les piquiers teutons, la cavalerie lourde composée de nobles anglais et flamands et des traîtres français, les archers anglais et quelques dizaines de mercenaires s’abattent sur les lignes françaises. Les deux armées sont bien rangées, chacune divisée en trois corps. Les Français prennent les devants : le flanc gauche de la coalition est enfoncé. Au même moment, l'Empereur ordonne à ses soldats de prendre pour cible son rival. Aussitôt, les Teutons entament une rapide percée au centre avec pour seul objectif d’abattre le Roi Philippe. Les milices urbaines encaissent difficilement l'assaut et la situation du Roi devient critique. Entouré de toute part, il fait face à la furie renégate. Malgré tout, il se bat en roi-chevalier, ayant sur les épaules la responsabilité de sa lignée. Il est alors touché par une lance, tombe à terre ; il est maintenant à la merci des guerriers Teutons, proches d’atteindre leur objectif. Face à cette situation, la garde royale remplit son devoir envers son suzerain. Guidée par l’oriflamme, elle intervient bien heureusement. Les chevaliers du Royaume de France massacrent les Teutons et remettent leur Roi en selle qui reprend aussitôt le combat. Les flancs gauche et droit sont quant à eux progressivement dominés par les troupes françaises. La coalition est en grande difficulté. L’empereur Otton est mis en fuite et s’il échappe in extremis à la capture, son armée est défaite. Ferrand de Portugal et Renaud de Dammartin tombent aux mains du Roi de France. Les hostilités se poursuivent jusqu’au coucher du soleil, mais la victoire française est maintenant actée.


Le Roi de France demeure maître en ses terres. En dépit de la violence, des affrontements et des divisions, les guerriers furent tous animés par un même idéal, pour lequel doivent prévaloir l'honneur, la loyauté, la bravoure, et où la prouesse individuelle l'emporte souvent sur l'action collective. Philippe obtient le noble titre d’Auguste et s’inscrit dans la lignée des glorieux Rois français.


Les conséquences


La bataille de Bouvines marque la fin de la coalition formée par Jean sans Terre. Il est contraint par le pape Innocent III d’accepter le traité de Chinon, qui en plus de lui imposer une lourde amende, le dépossède définitivement de la Touraine, du Berry, du Maine et de l’Anjou. Ces provinces sont annexées au profit du territoire du Roi de France, augmentant ainsi son autorité, tandis que les Plantagenêt ne contrôlent plus que quelques terres en Gascogne et en Aquitaine. La défaite est totale pour les coalisés. Le comte Ferrand de Flandre est fait prisonnier, et retenu quinze ans au château du Louvres ; l’empereur Otton est mis en déroute et perd son trône.


C’est une humiliation supplémentaire pour Jean sans Terre qui a de lourdes conséquences sur son autorité, laquelle est remise en question. Il doit céder devant ses barons et signe la « Magna Carta », ou Grande Charte. Cette dernière structure dès lors la place du Roi, de la noblesse et de l’Eglise en Angleterre. Mais alors que la noblesse anglaise renforce sa puissance au détriment du pouvoir royal, il en va autrement en France.


Magna Carta, signée le 15 juin 1215 suite à une insurrection achevée par la prise de Londres en mai 1215
Magna Carta, signée le 15 juin 1215 suite à une insurrection achevée par la prise de Londres en mai 1215

La dynastie capétienne sort entièrement renforcée de la victoire, régnant sur un territoire bien plus vaste, avec une autorité bien assise sur les barons. La menace Plantagenêt est mise de côté pour plus d’un siècle. Ce renforcement de la monarchie poursuit la démarche de centralisation du pouvoir initiée par les Capétiens. Sous cette impulsion, la France devient l’un des royaumes les plus influents et d'Europe, précurseur en matière d’unité. La monarchie est renforcée par les prémices d’une force centralisatrice qui donnera à la France sa puissance pour les siècles suivants. Aussi, la plupart des seigneurs deviennent des sujets directs de Philippe Auguste qui passe de suzerain à véritable souverain.


Enfin, Louis, petit-fils du Roi de France naît en cette année 1214, assurant à la lignée capétienne un avenir radieux.



Ce qu'il faut retenir de cette bataille


La bataille de Bouvines est l’une des grandes batailles décisives qui ont orienté la France vers sa grandeur. D’abord, elle permet de sauver l’éclosion d’un pouvoir capétien dominant en Europe. Mais encore davantage, la bataille marque le début d’un sentiment national profond, vu par certains comme l’acte de naissance de la nation française. En effet, Philippe Auguste n’est dès lors plus Roi des Francs, mais bien Roi de France, ce qui marque une différence notable : il existe désormais une union qui resserre entre eux les différentes terres qui composent le territoire de France. Ce royaume a échappé au pire car, dans le cas d’une victoire d’Otton IV à Bouvines, et si le Roi n’avait pas été miraculeusement sauvé par ses chevaliers, le royaume aurait été brisé, divisé, morcelé. La France aurait pu ne jamais voir le jour. C’est le début d’une monarchie centralisatrice et inspirante pour l’Europe. Mais Bouvines demeure bel et bien une étape dans la longue lutte des Capétiens pour préserver leur héritage car, un siècle plus tard, l’Angleterre viendra une nouvelle fois menacer le Royaume durant la longue Guerre de Cent Ans.



Pour aller plus loin


La bataille de Bouvines en vidéo



La complainte du prisonnier : Richard coeur de Lion

Revenant de croisades, Richard Coeur de Lion est capturé par le duc Léopold V de Babenberg, autour de Vienne, en Autriche. En réalité, ce dernier agit pour le compte du roi de France Philippe Auguste. vieil « ami » de Richard, mais devenu au fil du temps son ennemi.  Dans le cas précis, Philippe Auguste fait arrêter Richard Ier au motif que ce dernier l’aurait insulté publiquement durant une croisade, il compose alors sa complainte du prisonnier.



Comprendre ce que sont les chevaliers de l'ordre teutonique


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