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Le rôle de la France dans la chute de l’Empire des Habsbourg en 1918

Par Mayeul Grassin et Paul Frisch

Contextualisation


Le 21 novembre 1916, après plus de 67 années de règne, François-Joseph Ier d’Autriche, ciment de l’union des diverses nationalités de l’Empire autour de la couronne, et incarnation du compromis Austro-Hongrois de 1867, s’éteint en plein conflit mondial. Son neveu, Charles d’Autriche lui succède, puisque l’assassinat de François-Ferdinand à Sarajevo le 28 juin 1914 avait fait de lui l’héritier au trône.


François-Joseph, contrairement à François-Ferdinand, entretenait de très bons rapports avec Charles en qui il percevait pour l’Autriche un héritier digne de sa vision politique. A sa mort, Charles Ier d’Autriche (Charles IV de Hongrie) hérite d’un empire à la situation délicate. En effet, il prend la tête d’une armée affaiblie qui se bat sur plusieurs fronts et qui fait face à une volonté de vassalisation de son principal allié, l'Empire Allemand. L’ Empereur redoute que l’Allemagne fasse de l’Autriche une “Grande Bavière”. Dès son avènement, Charles Ier cherche à prendre ses distances sur l’emprise de son allié allemand dans le but de préserver l’intégrité de sa monarchie, mais souhaite aussi en tant que fervent catholique débuter des négociations de paix secrètes avec les gouvernements de la Triple Entente pour épargner des vies inutilement sacrifiées. 


Charles Ier d'Autriche
Charles Ier d'Autriche

Avec l’aide de l’Impératrice Zita de Bourbon-Parme, sa femme, et du Pape Benoît XV, qui, malgré les tensions en Europe représente pour les nations une voix importante et symbolique, Charles se tourne vers ses beaux-frères Sixte et Xavier de Bourbon-Parme.


L'empereur Charles Ier et l'Impératrice Zita de Bourbon-Parme
L'empereur Charles Ier et l'Impératrice Zita de Bourbon-Parme

Ceux-ci combattent alors du côté ennemi, dans l’armée belge, et non du côté français pour lequel ils souhaitaient s’engager dans un premier temps, puisque depuis la loi du 22 juin 1886 relative aux membres des familles ayant régné en France, « les membres des familles ayant régné en France ne [peuvent] entrer dans les armées de terre et de mer, ni exercer aucune fonction publique, ni aucun mandat électif. ». Dans le même temps, Charles tente de persuader le Kaiser Guillaume II en l’informant sur les difficultés de son empire qu’il sent à bout de souffle. 


En 1917, Sixte et Xavier, au nom de l’Empereur Habsbourgeois, entament les discussions avec le gouvernement français par l'intermédiaire de Jules Cambon (secrétaire général des Affaires Étrangères), Aristide Briand (Président du Conseil) et Raymond Poincaré (Président de la République). Des conditions préalables que Sixte rapporte à Charles Ier sont énoncées par les autorités françaises. Celles-ci comprennent notamment le retour de l’entièreté de l’Alsace-Lorraine à la France, le rétablissement de la Belgique, l’attribution de Constantinople aux Russes ainsi que le rétablissement de la Serbie avec l’annexion de l’Albanie (le conflit ayant débuté dans cette région, source de tensions depuis plusieurs années entre l’Empire et la Serbie). Sa Majesté Impériale accepte les trois premières propositions, mais émet des réserves quant à la question Serbe. Il préférerait en effet qu’un Etat Yougoslave soit créé, à condition qu’il soit dépendant de la couronne Habsbourgeoise.


Par la suite, une conférence secrète se tient en Savoie en avril 1917, à Saint-Jean-de-Maurienne, pour concrétiser ces négociations avec l’ensemble des représentants de l’Entente. Les Britanniques sont enthousiastes, mais les Italiens se montrent inflexibles, refusant toute modification du pacte de Londres de 1915 dans lequel l’Italie était censée récupérer, outre des provinces italophones comme le Trentin, le Tyrol du Sud ou Trieste, des provinces comme la Dalmatie et l'Istrie aux dépens de l’Autriche. La tentation est grande pour les alliés de se tourner vers les propositions de paix Habsbourgeoises, mais cela reviendrait à revenir sur les promesses faites à l’Italie dans ce fameux pacte.


Dans le même temps, Alexandre Ribot, anticlérical et anti-Habsbourg, succède à Aristide Briand à la tête du Conseil des ministres, ce qui a des conséquences sur les négociations. De plus, Charles Ier tente de convaincre l’Allemagne de rétrocéder à la France l’Alsace-Lorraine et assure au Kaiser Guillaume II que “si l’Allemagne était prête à renoncer à l’Alsace-Lorraine, l’Autriche [serait] disposée à lui offrir une compensation en Pologne”, la Pologne représentant pourtant, au début du conflit, l’un des objectifs d’expansion de l’Autriche face à l’Empire Russe. Charles Ier tente par conséquent de sacrifier ses prétentions d’expansion et de convaincre son allié dans le but de redonner à l’Europe la paix, mais l’Allemagne refuse, car le parti de la guerre, qui souhaite une victoire totale, domine la politique de l’Empire qui est confiant en ses forces. Les négociations sont dès lors au point mort. 


La chute


Tout vacille définitivement le 2 avril 1918. Ottokar Czernin, alors ministre des affaires étrangères de l’Autriche-Hongrie et partisan d’une alliance forte avec le Reich, affirme devant le Conseil municipal de Vienne, dans le but de faire échouer un rapprochement avec la France, que le Président du Conseil français Georges Clémenceau aurait accepté de l’Autriche-Hongrie des offres de négociation à la suite de succès des offensives allemandes.


Georges Clémenceau
Georges Clémenceau

Dès lors, la réaction du Vendéen est immédiate. Il assure que : “le comte Czernin a menti” et ajoute qu’en 1917, Charles a reconnu “la justesse des revendications françaises” en Alsace-Lorraine. Czernin dans son duel qui l’oppose à Clémenceau pointe à son tour le caractère mensonger du communiqué du chef du gouvernement français. En raison de cet affront, Clémenceau rend alors public, le 12 avril, l’une des lettres secrètes que Charles avait écrite à Sixte l’année précédente dans laquelle l’Empereur annonçait que “Si l’Allemagne refusait d’entrer dans la voix de la raison, il se verrait contraint d’abandonner son alliance pour faire une paix séparée avec l’Entente”.


Dès lors, cette révélation met l’Empereur Charles au pied du mur face à son allié allemand qui l’accuse de trahison, bien qu’il avait pris la précaution de prévenir le Kaiser Guillaume II de ces négociations tout en restant flou sur leur contenu. L'État Major Allemand, en apprenant cela, imagine un plan d’invasion de l’Autriche et d’enfermement de son souverain. Il ne sera jamais appliqué. Cela oblige tout de même Charles à réaffirmer le total alignement de la monarchie sur le Reich, ce qui condamne l’Empire Autrichien à suivre quoi qu’il arrive le destin de l’Empire Allemand. Très vite, la situation se dégrade sur les fronts


Les puissances centrales s'effondrent à la fin de l’année 1918 et demandent l’armistice. Il est signé entre la France et l’Autriche le 3 novembre, et est effectif le lendemain à 15 heures.  Charles Ier d’Autriche signe ce jour même, à Schönbrunn sa “renonciation à participer au gouvernement autrichien”, ne prononçant jamais le terme “d’abdication”. Mais outre cette décision, plusieurs facteurs sont à prendre en compte dans la disparition de la double monarchie Habsbourgeoise. D’abord, les Etats-Unis, entrés en guerre un an plus tôt, défendent foncièrement le principe des nationalités. L’Empire multiethnique devient alors une cible privilégiée pour Wilson, qui connaît peu les caractéristiques des nations qui le composent. Aussi, des républicains notoires comme Georges Clémenceau, anticléricaux et antimonarchistes, souhaitent voir, dans l’esprit des idées révolutionnaires, l'effondrement des monarchies dans le but de “républicaniser l’Europe”. Enfin, la monarchie des Habsbourg, dernier des grands Empires catholiques européens, représente une cible à abattre pour tous les anticléricaux.


Les traités de Saint-Germain-en-Laye et du Trianon règlent définitivement le sort Austro-Hongrois. Fort en 1914 de 676 000 km2 et de plus de 52 millions d’habitants, l’Empire, multiethnique, comprenait des germanophones, des Hongrois, des Thèques, des Slovaques, des Roumains, des Polonais, des Ukrainiens, des Italiens, des Serbes, des Croates, des Bosniaques et des Slovènes. A la fin de la guerre, plusieurs Etats sont donc créés, notamment la Tchécoslovaquie, la Pologne, le Royaume des Serbes des Croates et des Slovènes (renommé Yougoslavie en 1929). D’autres territoires sont partagés entre l'Italie et la Roumanie. L'Autriche (80 000 km2, 6 millions d’habitants) et la Hongrie (95 000 km2 et 8 millions d’habitants) ne forment plus que deux petits États très affaiblis. La division du royaume est encouragée par la France, bien que sa préservation aurait pu permettre d’assurer l’existence d’un État important face à une potentielle résurgence allemande. De nouveaux Etats multiethniques sont créés et l’Autriche, humiliée, et dont la grandeur passée qui a émerveillé le monde n’est plus qu’un douloureux souvenir, devient seulement une “petite République”, selon les mots de Clémenceau


Pour ces négociations de paix, sa profonde piété et son rôle de père de famille exemplaire, Charles sera béatifié par l’Eglise en 2004 et est aujourd’hui en procès de canonisation. Sa femme Zita est, elle, en procès de béatification. Le dernier Empereur d’Autriche est aujourd’hui célébré dans tous les anciens territoires Austro-Hongrois.


Pour aller plus loin

L'histoire de l'Empire Austro - Hongrois en 10 minutes (vidéo)


Le déclanchement de la Première Guerre mondiale : l'attentat de Sarajevo


Hymne de l'Empire d'Autriche, composé par Joseph Haydn en 1797 Chanté en la cathédrale Saint-Etienne de Vienne pour l'enterrement du fils du dernier Empereur d'Autriche



Kyrie Eleison, Requiem de Michael Haydn. Cathédrale Saint-Etienne de Vienne pour les funérailles de Otto de Habsbourg en 2011, fils du dernier Empereur d'Autriche Charles Ier.



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